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Occitanie
« Voilà, lui c’était le dernier. je l’ai gardé le plus longtemps possible en moi, dans le secret de mon cœur. Parfois il lui arrivait de franchir mes lèvres mais je savais que s’il sortait les autres s’en empareraient et que je ne pourrais rien y faire.
J’avais peur pour lui, qu’on le massacre, qu’on le piétine, qu’on l’enferme quelque part et que je ne puisse plus jamais le regarder, le toucher.A l’intérieur de moi, il y avait encore cet espoir qu’il pourrait survivre.Je le savais protégé. »
Isabelle Loubère, « CRACHE »
Rwanda
« J’ignorais encore à cette époque, qu’il y a des coups qui ne se rendent pas. Des coups d’une violence telle qu’elle peut vous mettre en conflit avec vous-même. Capables d’ouvrir en vous une brèche si grande qu’une crasse cosmique peut s’y engouffrer. Par moments, nous sentons exhaler cette souillure en nous quand nous prenons la parole. »
Dorcy Rugamba
HEWA RWANDA
Bénin
« Ces mots que j’avale
Je tente de vomir des cochonneries que j’ai dû inhaler, boire, manger, ingurgiter, des cochonneries que j’ai dû penser, imaginer , des cochonneries que j’ai dû intégrer,que j’ai dû ramasser avec ma langue, ramollir, introduire dans,que j’ai dû aimer avec mon nezque j’ai dû aspirer avec mon sexe,des cochonneries que j’ai dû ramener à la vie avec mon ADN ,sentir, regretter avec mon stylode vrais cochons que j’ai dû transporter dans mon corpsJ’ai un corps passeport et un esprit passe-muraille. »
Sedjro Giovanni Houansou
CES MOTS QU’ON AVALE
France
« La ville autour est une nausée et un orgasme.
Envie de choir
Envie d’être
Envie de devenir autre chose qu’un moustique dans la chaleur d’un néon stroboscope d’une vie ratée.
Pour l’instant.
La ville autour est une insulte. »
Dalila Boitaud-Mazaudier
MON FRÈRE
Liban
« Elles et ils ont écrit partout où Elles et ils pouvaient et dessiné en tout petit et en très grand. La ville s’est recouverte de mots et s’est offerte en lecture. Et le soir Elles et ils sont venus taper contre les murs en fer érigés autour du grand théâtre. Avec des pierres de toutes les tailles.
Elles et ils ont écrit badna khebz ou elm ou masrah. Nous voulons du pain, de l’éducation et du théâtre. »
Valérie Cachard
UNE FEMME SUR UN MUR
Haïti
« Le décor comme tu veux, le maquillage n’a jamais été la chose la plus importante, de toute façon on voit mieux la chair sans, en tout cas fais gaffe, quelqu’un va parler sans s’arrêter. »
Jean d’Amérique
MONOLOGUE DE LA CHAIR AIMÉE
Martinique
« Je vivaisTraversais tout en étant silencieuseCar le silence ne trahit pas la véritéAucune justification n’est nécessaire à l’observation des quatre sens Je n’avais pas besoin de motsJe n’avais pas besoin de langues. »
Françoise Dô
VERTE
Algérie
« Aujourd’hui je vais t’apprendre des mots en français. C’est facile, tu vas voir. Comme nous l’avions dit, une journée en langue algérienne et une journée en français.
Ne t’inquiète pas, tu vas finir par comprendre. Entre nous, j’aime bien quand tu parles algérien. Mais tu sais quoi ? on peut parler disons entre les deux, oui il y a une langue médiane. C’est un peu d’arabe, un peu de français, un peu d’Amazigh. C’est notre Créole, notre Spanglich, notre langue hybride. »
Amira-Géhanne Khalfallah
LA VIEILLE DAME