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Monologue de la chair aimée suivi de celui du couteau

    Texte inédit de Jean D’Amérique / Haïti

    « Je t’entends pas bien, peut-être le signal qui fout la merde, t’as dit quoi, ah oui, peut-être, peut-être des ortolans, ils sont de quelle couleur les ortolans, ah ben ça doit être ça, ils sont exactement comme tu les décris, oui, je crois que j’en avais déjà vu mais je ne connaissais pas du tout leurs noms, ah arrête, tu me fais rire, viens pas faire ton vantard là, en tout cas ces ortolans sont trop beaux, ils sautent encore là, regarde, ils volent l’un après l’autre, leurs mouvements s’enchaînent dans l’espace comme une chanson qui progresse, regarde-moi cette valse, chéri, oh non, non, ils s’en vont, ils s’envolent à l’horizon, regarde comment ils cheminent dans le vide, ils tracent des chemins entre les arbres, aïe, je ne les vois plus, mon amour t’as raté, tu viens de rater quelque chose là, oh putain c’est trop beau, j’adore les oiseaux, bon je dois, je dois te laisser maintenant, je dois commencer à bosser, on se voit plus tard, chéri, je te ferai signe, où est-ce que tu entends, toi, tu t’es assis sur tes oreilles, combien de, ne viens pas ici, combien de fois je dois te le redire, tu crois qu’en venant ici tu vas me prouver ton amour, bah non, comment ça j’ai, à quelles fins je te mentirais, comment ça j’ai quelqu’un d’autre qui est là, tu crois que j’ai un homme à mon chevet là au boulot, t’es vraiment fou, toi, Youri, laisse-moi, ok, laisse-moi aller bosser, écoute Youri qui me dit que c’est pour ça que je ne veux pas qu’il vienne, que c’est parce que j’ai quelqu’un d’autre, un client qui s’occupe de moi, ah ça ce serait trop bien, que je sois en train de bosser et qu’en même temps j’ai quelqu’un qui s’occupe de moi, mais qui fait quoi, genre qui me suce, hein, ah ouais, je veux bien, hein, ce serait vraiment pas mal ça, quelqu’un qui me suce pendant que je bosse, j’imagine la perspective difficile, impossible, de manière pratique, mais si tu crois que j’ai un autre mec avec moi là, qu’est-ce que tu veux que je te dise »

    Extrait de MONOLOGUE DE LA CHAIR AIMÉE 
    Jean d’Amérique / Haïti

    Interprètes Marie-Leïla Sekri, Cyril Dillard

    Toute l’équipe En langueS françaiseS

    Jean D’Amérique

    Jean D’Amérique dans les couloirs de la Cité internationale des arts de Paris, 8 octobre 23

    Né en 1994 à Côte-de-Fer (Haïti), Jean D’Amérique a créé en 2019, avec le collectif Loque urbaine, le festival international Transe poétique de Port-au-Prince dont il est le directeur artistique. Poète et dramaturge, il porte haut les couleurs de la nouvelle génération d’écrivains haïtiens. Il vit désormais à Paris. Lire la suite sur Actes Sud

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    Crédits photos Katie Palluault / Cie Uz et Coutumes sauf mentions contraires