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Opéra Bitume

    L’opéra bitume est un acte artistique nomade, capable de se sédentariser le temps de la rencontre.

    Lille, quartier sud, Juin 2012

    L’opéra bitume est un trajet avec un territoire et les humains qui le décuplent.
    C’est un véritable échange avec le réel, dans son ensemble et dans les détails.
    Parce qu’il y a un détail auquel il convient de s’attacher.

    Vivre ensemble ? Qu’est ce que c’est ?

    Il ne s’agit pas de trouver une réponse théorique, tout se trouve dans la pratique.
    Il s’agit de prendre du temps.
    Nous avons besoin d’être dans la cité, de travailler le partage du sensible dans la ville, c’est en ce sens que nous sommes des artistes de rue, c’est là, uniquement là qu’une œuvre collective peut advenir et transmettre sa force.

    Il faut être « dedans », entendre, questionner, rencontrer et récolter les paroles aussi diverses soient elles, voir les lieux, leurs relations avec les humains, avec les saisons, avec l’ensemble et avec le particulier.
    Mais il faut aussi être « dehors », prendre du recul, oublier, revisiter les sensations, les confronter à d’autres principes, d’autres débats, perdre le fil. C’est dans ces aller retours que nous pouvons construire une pertinence, un propos à défendre devant un public, une pièce de théâtre où le public et les artistes tentent de devenir acteurs d’un instant de la ville. Ce genre de recherche abolit les habituelles frontières, la proposition artistique vient de la rumeur de la rue, et nous la transformons, la répétons, nous empruntons des mots sincères et nous leur donnons une valeur.

    C’est donc du théâtre ambulant, à l’échelle d’un territoire, déplacé et ainsi modifié par les lieux, les horaires, les publics, mais le mouvement n’est pas que « matériel », il est surtout philosophique, rien ne peut être figé, tout se transforme chaque fois, et c’est l’ensemble des modifications qui donne lieu à une narration, à un témoignage du réel.
    C’est une posture artistique, sociale et politique, c’est avec cette conscience là que l’on aborde et que l’on mène un tel travail, que l’on soit artiste, public, opérateur culturel, c’est cela qui se partage, c’est cela qui nous anime et nous touche, c’est la matrice.
    L’autre, (celui qui parle et celui à qui l’on s’adresse) n’est pas une masse à qui il faudrait plaire, mais une entité en mutation qu’il faut aborder avec respect et intelligence.

    Le public n’est pas la somme des individus, mais la mise en commun des singularités.
    Ce continent des valeurs de chacun, c’est cela qu’il nous reste à explorer.
    C’est ce que nous voulons faire avec « l’Opéra Bitume » ; explorer l’autre, lui dire, le reconnaître et l’aimer.
    Les nouveaux territoires de l’art naissent dans la marge, avec peu de moyens, peu médiatisés, mais qu’importe, nous célébrons l’inventivité en lui donnant sa place dans l’espace public.

    L’ « Opéra Bitume » célèbre un mot que l’on a oublié, que l’on n’utilise plus et qui pourtant a fondé les échanges et les constructions de nos civilisations : l’hospitalité.

    Cet art d’accueillir et d’être accueilli, cet art de donner et de savoir recevoir, cette délicate distance dans la proximité.
    Une forme de finesse.
    Entreprendre ainsi, avec chacun et avec tous, une forme de « l’insurrection silencieuse », pour rendre compte de l’intelligence de notre époque, et ne pas reculer devant l’essentiel.

    Imaginez une étendue de bitume.
    Vierge et déjà envahie de tous les passants passages passés.
    Regardez encore et encore jusqu’à y voir ce qui n’est pas visible.
    Déposez-le cela que vous voyez à l’intérieur de vous,
    ce qui tremble depuis vos pensées, vos amours, vos révoltes.
    Déposez-le comme une urgence, à même la rue, sur le sol, là, par terre.
    Quelques mots de peinture blanche, de feutres noirs, collés, plaqués, offerts depuis le bas, le très-bas, tendus vers le haut, qui ne sera jamais assez haut.
    Quelques images déchirées, quelques visages sans doute.
    Une musique parfois qui viendrait glisser et frapper le goudron.
    Tout cela qui pour l’instant n’est pas
    et déjà s’agite dedans, à l’endroit du rêve et de l’imaginaire.
    Allez-y, transformez-le en véritable. Rien ne nous en empêche. Rien
    Passez à l’acte maintenant.
    C’est depuis nos mains que chaque chose peut devenir un opéra,
    il n’y a aucun bon prétexte à se priver de cela.
    C’est l’OPÉRA BITÛME.
    Il est de chaque jour, de chaque espace. Il est de toute urgence.
    La salle est pleine à l’extérieur.
    C’est tout de suite et chaque fois qu’il faut apprendre à entrer dehors.
    Rien n’est déjà vu.

    La démarche / les rencontres

    L’Opéra Bitume s’engage sur un territoire, l’ouvre comme un livre ; pour cela la multitude est bienvenue.
    Sur le terrain, c’est un travail de partenariat indispensable, l’artiste joue avec les espaces et les met en relation. Aller-retour entre différences et points communs.

    – Ateliers de pratiques artistiques
    La compagnie propose, « à la carte », en fonction des actions déjà menées sur place et des désirs des partenaires, différents ateliers de pratique, vers plusieurs publics. Ecriture, théâtre, danse, arts plastiques, afin de permettre à chacun de trouver sa place dans le trajet, de donner son avis en créant, de s’engager par l’art dans un processus commun. Ces rencontres peuvent être ponctuelles ou s’engager dans le temps ; elles peuvent apporter des nouveautés ou poursuivre un acte en cours.
    – Collectages de témoignages
    C’est l’axe central, le fil conducteur et la matière première.
    Le collectage peut être formel (en lien avec les partenaires, rencontres avec des publics précis) ou informel (micro trottoir, interviews urbains).
    La parole est libre, il n’y a pas de sujet, si ce n’est une recherche « interne / externe », du propos « global », à la confidence.
    C’est un travail d’investigation basé sur le désir de comprendre, d’entendre, mais aussi de laisser faire, de se perdre. Y voir clair dans la brume …
    Le collectage oral va de pair avec un travail de recherches et de documentation diverses : plans du quartier, archives, publications …
    – Expérimentation dans l’espace public
    La rue est notre laboratoire, notre terrain de jeux. Ce que nous apprenons, ce que nous entendons est une matière vivante que nous devons régulièrement confronter au bitume ; expérimenter les intervalles entre réel et imaginaire.
    Et poursuivre ainsi la rencontre et l’insolite, voir et être vu, concrétiser la pensée en actes de jeux urbains.
    – Restitution artistique de l’ensemble
    De la parole à l’acte théâtral. Tout ce qui à été écrit, enregistré, regardé se rassemble ici en un grand poème urbain, un acte de reconnaissance, la bascule du bitume à l’opéra…
    La compagnie investit un espace, y installe des images, des sons, joue les textes, les danse, les peint sur les murs ; la réalité devient un spectacle, il n’est pas nécessaire de faire la différence entre le vrai et le faux, c’est un opéra.
    C’est ainsi que le théâtre déambule et invite à se déplacer dans le quartier et à le découvrir autre à travers les mots, les éclairages et les musiques qu’il offre.
    Théâtre de la rue, racontant à tous les secrets de derrière les murs, les souvenirs, les poèmes de celles et ceux qui y vivent.